« Mon chien est compatible avec tous les chiens »
« Mon chien s’entend avec tous les chiens »
« Mon chien peut gérer tous les chiens »
My dogness ! Si vous répondez « mythe » à la question : Bravo !
Anecdote
Dernièrement, alors que je promenais un de mes élèves canins, un chien en libre a traversé la rue pour venir le voir. Une voiture l’a évité et une autre a freiné pour le laisser passer. Son maître est resté sur son propre trottoir sans le rejoindre, marchant en toute détente.
Le chien que je promenais en longe a sept ans. Il adore les chiens, mais a été attaqué, donc est susceptible de se méfier. S’il chouine, il est détendu et souhaite rencontrer le chien ; s’il aboie, il est tendu et préfère que l’autre reste à distance ; s’il ne dit rien, il observe, reste vigilant, et attend de voir ce que l’autre communique.
L’environnement dans lequel nous étions : des rues, des voitures, des vélos, des piétons, des trottoirs peu larges.
La courtoisie
Lorsqu’on croise un chien, plusieurs règles de courtoisie sont recommandées :
regarder le contexte : espace large ou trottoir étroit, chiens attachés ou détachés, circulation, autres individus
garder son chien près de soi
demander à l’autre propriétaire s’il est possible que les chiens se rencontrent
s’il dit non, accepter et passer sa route ; il n’a pas à se justifier. S’il dit oui, observer son propre chien et l’autre pour que la rencontre se passe au mieux.
Si vous dites « non », ou souhaitez dire « non » mais hésitez par crainte du jugement social, en fait, vous n’avez : ni à vous justifier, ni à accepter contre vous-même, ni à céder au dépend de votre chien. Peu importe ce qui vous motive, au même titre que l’autre personne n’a pas à se justifier sur sa volonté de faire rencontrer son chien avec le vôtre, vous avez le droit de refuser. À moins que vous ayez envie à cet instant T d’entrer dans une conversation, d’engager une discussion, vous ne devez votre énergie qu’à vous-même et votre chien.
L’humain en face
Lorsque j’ai signalé au maître de l’autre chien que cela aurait plus correct qu’il garde son chien près de lui ou qu’il agisse autrement, il m’a répondu, tout en continuant à marcher tranquillement sur son trottoir, que je n’ai pas à m’inquiéter, que son chien est « médiateur ».
La médiation est un travail particulier qu’un chien opère en intervenant au centre d’une situation. Là, il s’agissait uniquement d’une rencontre en tête-à-tête, qui heureusement s’est bien passé.
En dehors de sa condescendance que je trouve irritable, et de son insouciante certitude qui ne tolère aucune discussion (d’autant qu’il poursuit son chemin sans s’arrêter), il a pu me dévoiler son ignorance des rapports canins.
Dans la vie réelle
J’ai des client(e)s qui vivent avec des chiens sensibles, soit par douleur, soit par expériences négatives, soit par manque d’une familiarisation adaptée. Ces chiens sont susceptibles de chercher à fuir ou à éloigner l’autre chien en se montrant agressif. Leurs humains font des efforts incroyables pour les gérer au mieux, pour supporter les réflexions des autres, pour digérer la pression sociale, pour s’adapter aux uns et aux autres. Ils ont le droit de refuser une rencontre juste parce qu’ils ont alors un moment calme avec leur chien dont ils souhaitent profiter ; juste parce qu’ils sont fatigués et n’ont pas envie de monopoliser leur énergie pour satisfaire d’autres individus qui passent vaguement dans leur vie.
Dans la vie réelle, vous pouvez dire « non, merci » (sans que ce ne soit pour toujours) et certains humains vous souriront et passeront leur chemin.
Dans la vie réelle, vous pouvez dire « retenez votre chien, gardez-le près de vous » et certains humains vous prendront de haut, vous diront que vous sur-réagissez, vous amenant à douter de vos compétences, à dénigrer vous-mêmes vos efforts et ceux de votre chien. La force dans la conviction qu’ils sont dans le juste trace un chemin périlleux pour l’humain qui refuse la rencontre. Celui qui dit « non » est celui qui a tort selon ces individus. Celui qui est contrarié d’avoir dû gérer une situation stressante pour lui et/ou son chien est celui qui a tort selon ces individus.
Dans la vie réelle, il n’est pas possible d’éviter toutes les rencontres canines, ni toutes les rencontres d’individus qui nous font remettre en question tous les préceptes de bienveillance qu’on peut avoir, qui peuvent éveiller frustration et impuissance.
Dans la vie réelle, il est important de vous souvenir qui compte à vos yeux.
Compatible avec tous les chiens ?
Il m’arrive « d’emprunter » les chiens de clients pour aider dans les progrès d’autres chiens. Je n’utilise jamais le même chien. J’adapte toujours au contexte, à l’environnement, au profil des deux chiens, au travail que je veux mettre en place, aux objectifs fixés.
Je refuse de mettre le chien qui m’assiste en difficulté pour faire progresser celui qui est en session, tout autant que je refuse de mettre le chien qui est en session en difficulté pour simplement reproduire « la vraie vie » alors qu’il ne serait pas prêt.
Pour qu’un chien soit compatible avec l’ensemble des chiens, il lui faut des compétences en grand nombre :
s’adapter à chaque environnement possible (sauf s’il ne travaille que dans un seul et par conséquent le chien « aidé » peut montrer des hésitations à généraliser),
observer, analyser, comprendre tous les éléments présents dans l’environnement
s’ajuster à chaque interaction, à chaque échange émis
tolérer chaque tempérament de chaque chien, sans tenir compte de son passé, de son état émotionnel.
Par ailleurs, lorsqu’on évoque une compatibilité, est-ce à dire qu’il agressera un chien excité pour qu’il se calme ? Qu’il diffusera l’énergie de celui-ci en présentant un comportement d’indifférence ? Qu’il jouera aussi intensément ? Qu’il se laissera attaquer si l’autre le charge ? Quel impact ce type de situation peut avoir sur le chien « compatible tous chiens » ?
« Médiateur », « régulateur » sont de biens grands mots pour étiqueter des chiens qui ont souvent en fait appris à aller vers d’autres chiens d’une certaine façon. Il se peut qu’ils aient de bonnes capacités de communication ; mais tous les chiens peuvent ne pas y être réceptifs.
Tous comme les humains ne sont pas en mesure intellectuellement et émotionnellement de s’entendre avec tous leurs congénères, d’être en harmonie avec tous sans fournir des efforts et de la retenue par moments, les chiens ont leurs limites.
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